Avoir de la prise sur l’offensive, se donner la niack pour l’attaque

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C’était prévisible, le mouvement social contre la Loi Travail est mort tranquillement pendant l’été. À Clermont comme ailleurs, les syndicats sont docilement rentrés à la niche et les citoyenNEs de Nuit Debout sont allé-e-s se coucher. Et nombre de personnes semblent avoir perdu avec ce mouvement un espace d’expression pour leurs désirs et leurs colères. Fini les manifs ! Fini les blocages ! Toute la tristesse de la réalité de la politique1 éclate au grand jour : tenter de « changer les choses » en s’inscrivant dans un calendrier officiel, en jetant ses forces dans une bataille dont l’objet reste pour une bonne partie des protagonistes l’amélioration des conditions de leur exploitation, c’est foncer de manière inévitable dans le mur. La seule façon d’éviter de se le prendre en pleine face, c’est de se décaler le plus vite possible, c’est-à-dire créer ses propres rythmes et pratiques d’intervention dans ce moment social, basé sur des idées qui le dépassent largement : la haine de l’État et de ses larbins, le désir de voir la révolte flamber et la solidarité l’attiser, la volonté de vivre libre dans un monde débarrassé de toute domination, travail compris. Bref, de manière autonome.

C’est ce qu’ont joliment touché du doigt fin juin les quelques indisciplinéEs qui, anonymiséEs par le port d’un masque et d’un déguisement pour certainEs, ont mis à profit l’occupation du conseil départemental par le « mouvement » pour y faire le plus de dégât possible. Une initiative qui a fait chaud au cœur mais qui s’est malheureusement soldée par trois interpellations. Au-delà d’un certain nombre d’interrogations sur ce qui aurait pu permettre à ces personnes de ne pas se faire pécho, notamment une pratique plus partagée du vêtement et masque noir pour difficiliter l’identification par les keufs, cette action passée amène une question plus large : les moments émeutiers dans les grandes manifestations, si vivifiants et riche d’expériences soient-ils, sont-ils réellement autonomes alors même qu’ils dépendent du rassemblement de masse et/ou de la temporalité syndicale pour advenir ?

Pourtant, en dehors de la valse des mobilisations, les occasions ne manquent pas de passer à l’attaque pour celles et ceux qui lâchent la bride de leur imagination. Seul-e ou à quelques unEs, il suffit d’affûter un peu le regard et d’arpenter de jour et de nuit les rues et les ruelles pour voir apparaître des cibles par dizaines. Le pouvoir est partout et partout il se matérialise : de manière officielle bien sûr (mairie, préfecture, comico, taule…), mais aussi politique (locaux de partis), capitaliste (entreprise, banque, pub…), logistique (train, tram, bus, Cvélo…), social (CAF, Pôle Emploi…), éducatif (de la maternelle à la fac), médiatique, religieux… La liste est sans fin et tenter de la rendre exhaustive ne reviendrait qu’à réduire le champ des possibles.

Il en va de même concernant la multiplicité des moyens d’attaque, la seule nécessité étant qu’ils portent en eux-mêmes la fin qu’ils servent à atteindre. Pour le dire autrement, il est impensable de lutter pour la liberté de manière autoritaire ; il est absurde de tendre à l’auto-organisation en délégant son action ou son choix ; il est insensé de refuser que le pouvoir et l’économie découpe notre existence pour les faire rentrer dans leurs petites cases en disséquant nos individualités et dans le même temps de se spécialiser dans la guérilla urbaine au détriment de tous les autres aspects de la vie2. La fin est contenue dans les moyens mis en œuvre, toute démarche contraire relevant de la stratégie politique.

Alors oui, ce mouvement social comme les précédents (CPE, retraites…) est enterré. Ce n’est pas pour autant que les hostilités contre ce monde de merde ont cessé, y compris à Clermont et ses abords. Il suffisait de traîner aux Vergnes fin septembre pour constater que les flics étaient particulièrement sur les dents de s’être fait piéger et attaquer deux soirs de suite à coups de caillasses et de molotovs. Ou bien de flâner sur le boulevard Lavoisier dans les premiers jours du mois d’octobre pour se rendre compte que le Pôle Emploi, cette salle usine du contrôle, s’était fait défoncer ses vitres. Un sort partagé par les vitrines du PS et des Témoins de Jéhova début novembre à Brioude. Au lieu de se concentrer dans un espace-temps donné comme l’opposition à la Loi Travail en tentant de la faire déborder de son déroulement par trop tranquille et jalonné, ces trois exemples d’acte de révolte s’inscrivent dans une conflictualité quotidienne et diffuse.

Certes, certainEs pourraient reprocher que cela les rend moins visibles ou impactants de par leur éparpillement géographique et temporel. Soit, laissons aux chefFEs et aux stratèges l’organisation collective de la révolte sociale. Pour nous3, il est bien plus intéressant de considérer l’affaire depuis un autre angle : puisque le pouvoir est partout et qu’il est absurde de lui donner rendez-vous pour s’en prendre à lui, nous préférons avancer avec celleux qui choisissent de le frapper de manière désordonnée et surtout, là où il ne nous attend pas.


1Pour cerner ce que l’on entend par politique ici, vous pouvez lire ce texte : http://acorpsperdu.wikidot.com/dix-coups-de-poignard-a-la-politique

2Pour le dire autrement, faire le choix, pour attaquer le pouvoir là où il se matérialise dans l’espace public, de sacrifier toute volonté de le détruire aux autres endroits où il apparaît : les rapports d’autorité dans les relations interindividuelles, les normes qui nous modèlent et nous assignent une identité conforme, l’expertise des sachantEs…

3Pour préciser, il s’agit d’un « nous » qui désigne les personnes qui s’activent pour que ce bulletin existe.


Bim les keufs
24 et 25 septembre aux Vergnes, deux nuits, deux guets-apens. Les pompiers et les keufs sont appelés pour des feux de véhicules. Mais à leur arrivée, ça ne se passe pas vraiment comme ils s’y attendaient. Une dizaine de personnes planquées dans des bosquets les attaquent à grands jets de pierres la première nuit et à coups de cocktails molotov la seconde. Une bande méchamment détér_!

Le 10 octobre en fin de journée, l’adjoint de sécurité du commissariat de Clermont est visé par des pétards à l’intérieur même du bâtiment. L’auteur se barre en courant mais malheureusement, il est balancé par un citoyen et interpellé dans le quartier, non sans avoir distribué insultes et coups.

Bim les matons
Lundi 7 novembre, un maton du centre de détention d’Uzerche (Corrèze) s’est pris un coup de poing au visage. Deux jours plus tard, un autre détenu a mis un grand coup de pied dans une porte. La main du maton qui la maintenait s’est retrouvée coincée contre le mur. Il a eu un doigt arraché. Qu’il s’en morde les autres !

Le 6 décembre, profitant d’une sortie à vélo, un taulard du centre pénitentiaire de Riom s’est fait la belle à bicyclette et court toujours. Il s’était déjà évadé en 2014 de la prison de Nevers. Big up et bonne route_!

Bim bim bim
La nuit du 6 novembre à Brioude (Haute-Loire), les vitres du local du PS et de la salle du Royaume des témoins de Jéhovah ont été défoncées à coups de barre de fer et de plaques d’égout (!).